[ AUDIO ] Karfa Sira Diallo, un homme qui sera jugé pour avoir dénoncé le caractère raciste de l’appellation du quartier La Négresse

CHRONIQUE DU JOUR: Le 27 avril dernier a été la journée a été la journée nationale de l’abolition de l’esclavage. Un moment pour faire ou refaire connaissance avec un compatriote vivant à Bordeaux qui a consacré sa vie à se battre contre l’oubli de la traite. Ce qui lui a valu des démêlés avec la justice française. Karfa Sira Diallo, c’est de lui qu’il s’agit, est même convoqué au tribunal le 22 mai prochain pour avoir dénoncé le caractère raciste de la dénomination du quartier La Négresse de Biarritz en France.

La journée nationale de l’abolition de l’esclavage est un moment important pour se remémorer le plus grand génocide que l’humanité ait jamais connu. Malheureusement, beaucoup de vestiges sont encore là pour nous rappeler avec force la violence et le mépris dont ont été victimes les Africains. Parmi ces maux, il y a les noms péjoratifs qui sont restés malgré le temps mais que combattent des gens comme Karfa Sira Diallo qui est convoqué au tribunal de Biarritz à la fin du mois de mai.

Il y a bientôt une année, le 22 août 2019 précisément, Karfa Sira Diallo a été arrêté, mis en garde à vue pendant 24h lorsque, avec son association Mémoires & Partages, il a voulu profiter du sommet du G7 pour organiser une action de protestation contre la dénomination raciste, coloniale et sexiste du quartier « La négresse » de Biarritz. Selon ses avocats, il a été interpellé alors qu’il manifestait pacifiquement pour obtenir que soit débaptisé un quartier appelé « La Négresse » à Biarritz et qui suscite, depuis de longues années, une certaine incompréhension très largement partagée. L’occasion était trop bonne pour ne pas attirer l’attention des dirigeants de pays les puissants du monde sur le caractère raciste et sexiste de la dénomination du plus grand quartier de Biarritz.

Ceci n’est en fait qu’une facette du passé occulté de l’esclavage en France puisque du XVe au XIXe siècle, quinze millions d’Africains ont été déportés dans le cadre de la traite des esclaves. La France, à elle seule, en a déporté deux millions à partir des ports de Bordeaux, de La Rochelle, de Nantes et du Havre qui ont participé activement à cette traite des Noirs. Selon les historiens, plus de 130 000 Africains qui ont été déportés à bord de navires appartenant à des armateurs havrais. C’est justement pour ne pas oublier ce passé qui est aujourd’hui encore est parfois occulté, que l’association Mémoires et Partages a été créée en 1999 à Bordeaux.

Son combat est le fruit de son cheminement. Karfa Sira Diallo a très tôt pris conscience de l’importance de la mémoire et s’est mis à lutter pour la reconnaissance du passé négrier de certaines villes comme Bordeaux. En effet, c’est quand il était étudiant à Sciences Po Bordeaux que Karfa Sira Diallo s’est investi dans l’association AFRICAPAC (Afrique Caraïbes Pacifique) qui réunissait les principales associations étudiantes et nationales africaines, caraïbéennes, du Pacifique et de l’Océan Indien. Il s’engagea particulièrement sur le travail de mémoire sur l’Esclavage américain dont des millions d’Africains furent victimes en créant en 1996 sa propre association, Diverscités qui travaille sur la question de la diversité culturelle.

Son engagement fut tel qu’il participa à la reconnaissance du passé négrier de la ville girondine, et a obtenu le vote par le Sénégal de la première loi africaine reconnaissant la traite des noirs et l’esclavage comme un crime contre l’humanité.

Ce natif de Thiaroye, né en 1971 de Abdoulaye Diallo, ancien combattant français devenu infirmier dans l’armée sénégalaise puis dans la fonction publique, et de Soukeyna Doucouré, a étudié au Lycée Limamoulaye et suivi des cours de droit à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, avant de poursuivre son cursus pour un troisième cycle à Sciences Po Bordeaux.

Il continue sa route, ayant en bandoulière la détermination pour ce combat que seul ou accompagné, il continuera de mener en attendant de répondre au tribunal de Bayonne le 28 mai 2020.

Mamadou DRAME

T W médias

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