Le rapport d’audit 2017-2024 sur la gestion du Musée des Civilisations Noires, commandé par la nouvelle Direction générale, révèle de graves irrégularités sous l’ancienne direction du Pr Hamady Bocoum. Le document, a décelé de nombreuses zones d’ombre, ainsi que des soupçons de marchés fictifs, de surfacturations, notamment un détournement de près de 100 millions de F Cfa confirmé par les auditeurs.
Arrivé le 7 août 2024 à la tête de l’établissement, le Professeur Mohamed Abdallah Ly de l’Institut fondamental d’Afrique Noire (IFAN) a voulu faire un état des lieux tout en poursuivant son travail et en apportant une touche nouvelle à la gestion et au fonctionnement. C’est ainsi que le cabinet Sorex SA a été désigné pour réaliser un audit complet de la gestion du Musée, dirigé par le Professeur Hamady Bocoum depuis 2015.
Il en sort un rapport explosif fait état de présomptions de marchés fictifs, de surfacturations et de détournements. Par exemple, informe le document, qu’en 2017, année qui a précédé l’inauguration du Musée le 6 décembre 2018, un montant de 114 319 807 F CFA a été dépensé sans que les pièces justificatives ne soient fournies pour justifier ces dépenses. Pis, rapporte « Les Echos », un serveur a été acquis en 2018 auprès d’une entreprise informatique locale pour un montant de 184 992 252 F CFA, alors que les enquêtes menées par les auditeurs indiquent que son coût réel sur le marché est de 85 000 000 F CFA. De même, parmi les « 7 Merveilles de Me Abdoulaye Wade », aux côtés du Musée d’art contemporain, de la Bibliothèque nationale, des Archives nationales, de l’École des Beaux-Arts, de l’École d’architecture et du Grand Théâtre, le Musée des civilisations noires ne semble pas avoir été un modèle de transparence et de rigueur dans sa gestion.
Quelques indices laissent d’ailleurs croire que deux entreprises, manifestement fausses concurrentes car entretenant des liens d’affiliation, auraient contourné les principes de la concurrence loyale pour l’acquisition du serveur. Le rapport révèle également qu’en 2021, un auditeur interne, Monsieur Dieng, avait découvert que l’agent comptable de l’époque avait effectué un détournement de près de 100 000 000 F CFA.
Les auditeurs ont retracé et confirmé ce détournement qui est resté à ce jour sans poursuite ni remboursement. Ces derniers ont également relevé plusieurs points critiques concernant le respect des obligations légales relatives à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au sein du Musée.
Manifestement, le Musée des Civilisations noires n’a pas daigné procéder à des déclarations de TVA précomptées. Si l’on ne peut pas encore parler de fait délictuel constaté sur l’achat d’œuvres d’art, le nombre très limité d’artistes (une quarantaine) qui se sont partagé une manne d’un milliard F CFA dépensée par le Musée entre 2018 et 2023, a incité les auditeurs à recommander l’instauration d’une commission de réévaluation de la valeur des acquisitions des œuvres d’art.
Selon la même source, si les résultats de ces audits devaient être confirmés par une enquête judiciaire, ils indiqueraient que la prédation des ressources dans le domaine de la culture, que l’on pouvait penser accidentelle (notamment avec ce qui s’est passé autour des fonds Covid), serait bien plus structurelle et toucherait même les institutions culturelles les plus prestigieuses.