Signé dans la nuit de vendredi à samedi, le texte prévoit notamment la création d’un « État de la Nouvelle-Calédonie » au sein de la République française, une « nationalité calédonienne » et un partage différencié de compétences. Une formulation que certains dans l’archipel jugent porteuse d’ambiguïtés, voire de divisions.
L’accord « apporte au moins un espoir de paix et de stabilité », conditions nécessaires à une relance économique, commente auprès de l’AFP la présidente du Medef calédonien, Mimsy Daly. Elle regrette cependant un volet économique « un peu léger », même si les axes promus par l’organisation patronale – diversification, relance de la filière nickel, maîtrise des dépenses publiques – y sont repris. Elle se dit « attentive à la capacité réelle de l’État à accompagner financièrement la relance », un peu plus d’un an après les violentes manifestations qui ont fait 14 morts et mis à terre l’économie du territoire.
« Mauvaise réplique » des accords précédents
Le ton est plus sévère encore du côté de Joël Kasarerhou, président du mouvement citoyen Construire autrement. Il pointe tout d’abord auprès de l’AFP « le problème de la légitimité des gens qui ont signé ». Pour lui, l’accord, « mort-né », constitue une « mauvaise » réplique des accords précédents, « sans ambition ni vision ».
Joël Kasarerhou regrette aussi que la jeunesse, au cœur de l’insurrection de mai 2024, soit « oubliée ou à peine mentionnée », et critique une « reconduction des ambiguïtés » de l’accord de Nouméa de 1998, notamment sur le corps électoral. Il redoute ainsi un « nouveau 13 mai », date du début des émeutes de 2024, si les frustrations ne sont pas traitées.
La fracture est également nette dans les camps politiques. Les signataires du projet d’accord ont d’ailleurs confié samedi soir lors d’une rencontre à l’Élysée avec Emmanuel Macron qu’il serait difficile de faire accepter l’accord dans l’archipel, alors que le projet sera soumis à un référendum local en février 2026.
« Ligne rouge franchie »
Dans un post sur les réseaux sociaux, Philippe Blaise, premier vice-président de la province Sud, a ainsi annoncé publiquement se désolidariser des signataires loyalistes (opposés à l’indépendance), affirmant avoir découvert le contenu de l’accord « comme tous les Calédoniens ». Il dénonce une « ligne rouge franchie » avec la reconnaissance d’un « État calédonien » et d’une « nationalité distincte », qu’il juge incompatibles avec l’unité de la République.
Côté indépendantiste, plusieurs voix dénoncent un accord signé sans mandat confié par la base. Pour Brenda Wanabo-Ipeze, l’une des responsables de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), incarcérée en France, « ce texte, il est signé sans nous, il ne nous engage pas ». « Ouvrir le corps électoral, c’est nous effacer », a-t-elle fustigé.
Sollicitée par l’AFP, Mélanie Atapo, présidente de l’USTKE, union syndicale indépendantiste et membre du mouvement indépendantiste kanak FLNKS, s’est elle déclarée « surprise », précisant qu’il était « question de continuer les discussions et de revenir partager avec les bases avant toute signature ».
Sous couvert d’anonymat, un responsable d’une des composantes du FLNKS, interrogé par l’AFP, parle de « trahison des positions adoptées lors des conventions ». Selon lui, les négociateurs indépendantistes ont « cédé sur des points essentiels », notamment l’ouverture du corps électoral, sans validation militante.