La guerre a bouleversé le débat en Arabie saoudite sur des liens avec Israël

La guerre entre Israël et le mouvement palestinien Hamas risque d’exacerber le sentiment anti-israélien en Arabie saoudite, pressée depuis des mois par Washington de conclure un accord de normalisation historique avec l’Etat hébreu. 
 
Ce conflit jette un doute sur la possibilité d’une normalisation rapide entre les deux pays, donnée comme possible par le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane qui a déclaré le mois dernier à Fox News qu’on s’en « approche chaque jour ». 

 
Les visites récentes de deux ministres israéliens à Ryad ont créé le buzz, avec certains Saoudiens manifestant clairement leur nette désapprobation au réchauffement des liens avec Israël. 
 
Peu avant la guerre, déclenchée samedi par une offensive meurtrière du Hamas en Israël, Mohammed Bandar, un étudiant de 20 ans, a déclaré à l’AFP qu’il s’opposait à la normalisation en raison de l’occupation israélienne des territoires palestiniens. « Prendre leurs biens, leurs terres (…), je considère cela comme une occupation », a-t-il dit. 
 
 « Impossible »
 
Les frappes massives d’Israël dans la bande de Gaza en riposte aux attaques du Hamas et le siège imposé à ce territoire ne peuvent que renforcer la position des Saoudiens hostiles à la normalisation, a estimé de son côté Mohammed, un ingénieur de 50 ans qui a préféré taire son nom de famille. « La normalisation est désormais dans les oubliettes », a-t-il déclaré. « Je ne peux imaginer l’Arabie saoudite annoncer une normalisation alors que les Palestiniens sont bombardés. C’est impossible ».
 
 L’Arabie saoudite n’a pas adhéré aux accords dits d’Abraham de 2020, qui ont vu ses voisins du Golfe, Bahreïn et les Emirats arabes unis, ainsi que le Maroc, établir des liens formels avec Israël. Ryad a longtemps insisté sur le fait qu’il ne prendrait pas de mesure similaire sans une résolution du conflit israélo-palestinien. 
 
Récemment, par l’intermédiaire des Etats-Unis, le pays a cependant fait connaître ses conditions à une normalisation de ses relations avec Israël, parmi lesquelles des garanties de sécurité de la part de Washington et une assistance américaine dans le domaine du nucléaire civil. Le prince héritier a déclaré dans le même temps à la chaîne américaine Fox News que son pays devait « faciliter la vie des Palestiniens ». 
 
La première réaction du royaume à la guerre a été de voir dans l’attaque du Hamas « le résultat de la poursuite de l’occupation et de la privation du peuple palestinien de ses droits légitimes ». Et lors d’un appel téléphonique avec le président palestinien Mahmoud Abbas, le prince Mohammed a déclaré que son pays continuait à « soutenir le peuple palestinien ». 
 
Cela ne signifie pas que la normalisation sera abandonnée, selon Ali Shihabi, un analyste saoudien proche du gouvernement. « Je pense que ce sera mis entre parenthèses jusqu’à ce que nous y voyions plus clair ». 
 
Un rare sondage commandé par l’Institut de Washington pour la politique du Proche-Orient et publié en mai a montré que seulement 20% des personnes interrogées en Arabie saoudite pensaient que les accords d’Abraham seraient bénéfiques pour la région. 
 
Fait rare, les organisateurs de la Foire du livre à Ryad ont exposé récemment un rouleau de la Torah vieux de 500 ans suscitant de l’intérêt du public. Fayçal ben Mohammed, un étudiant de 21 ans qui visitait la foire, a semblé être ouvert à l’idée que l’Arabie saoudite aurait à gagner de relations avec Israël, notamment en obtenant un pacte de sécurité avec les Etats-Unis. 
 
« Tout ce qui place mon pays au premier plan, l’aide à se développer et à devenir un leader dans le monde, je l’accueille favorablement et l’accepte à coup sûr », a-t-il déclaré.
 
Question palestinienne « centrale »
 
Mais il n’est pas certain que cette opinion soit largement partagée par les Saoudiens qui restent très attentifs à la situation des Palestiniens dans la bande de Gaza. « Plus Israël versera de sang à Gaza, plus il sera difficile d’avancer vers un accord de paix », a déclaré Fahd, un habitant de Ryad de 30 ans. 
 
Hesham Alghannam, politologue saoudien et expert en relations internationales, a déclaré que la guerre rappelait aux Saoudiens le « caractère central » de la question palestinienne. « Tant que ce conflit ne sera pas résolu, la paix et la stabilité dans la région seront difficiles à atteindre », a-t-il souligné. 
 
« Le royaume ne peut qu’espérer qu’Israël s’en rende compte, et sa position reste la même: des progrès dans la résolution du conflit sont une condition préalable à la normalisation ».

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