Reckya Madougou : un an passé en prison au Bénin et toujours le statu quo

Le 11 décembre 2021, l’opposante béninoise Reckya Madougou écopait de 20 ans de prison pour terrorisme et financement de terrorisme. Le verdict est prononcé par la très controversée Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (Criet).

La justice reprochait à l’ancienne ministre d’avoir financé une opération visant à assassiner des personnalités politiques pour empêcher la tenue des élections présidentielles d’avril 2021 et ainsi « déstabiliser » le pays. Mme Madougou devait représenter le parti Les Démocrates (formation politique d’opposition) à ce scrutin, mais sa candidature avait été rejetée faute de parrainage.

« Les gens sont détenus pour avoir commis des délits dans le champ politique »

Le 11 décembre dernier, l’opposante bouclait un an en prison. Depuis son incarcération, des voix se sont élevées pour dénoncer un procès politique, à commencer par celles de ses avocats. Lors de la visite du président Emmanuel Macron au Bénin en septembre dernier, Patrice Talon déclarait avoir évoqué le sort des opposants avec le locataire de l’Élysée. Il ne compte pas cependant faire un geste en faveur de ces détenus dans l’immédiat. Le président béninois a d’ailleurs déclaré qu’il n’y avait pas de détenus politiques au Bénin. « Au Bénin, il n’y a pas de détenus politiques. Personne n’est détenu pour son opinion politique. Mais les gens sont détenus pour avoir commis des délits dans le champ politique »  avait-il tenté de nuancer. La suite de ses propos semblait tout de même donner de l’espoir à ces prisonniers, puisqu’il indique que ceux-ci pourraient « dans les temps à venir » bénéficier « des actes de grâce ou d’amnistie ». Cela pourrait arriver «  en mon temps, ou après moi » précisait-il. Depuis septembre 2022 c’est le statu quo.

Éligible pour la mesure de suspension d’exécution de peine

En octobre dernier, le parlement béninois a voté une loi sur la suspension de l’exécution de peine pour des « raisons d’ordre social ou humanitaire ».  Selon cette loi, un « justiciable incarcéré qui purge une peine devenue définitive suite à sa condamnation par les cours et tribunaux, peut solliciter du président de la République le bénéfice d’une mesure de suspension de l’exécution de sa peine. La mesure n’efface pas l’infraction, ne met pas définitivement un terme à la peine, mais suspend l’exécution sur une durée maximum de cinq ans renouvelable une fois. Au terme des 10 ans, le détenu est libre. Le porte-parole du gouvernement qui s’exprimait sur cette loi a bien fait comprendre qu’il ne s’agit ni d’une grâce présidentielle, ni d’une amnistie d’autant plus que les peines ne sont pas effacées. Il ajoutait que Reckya Madougou et Joël Aivo, un autre détenu politique étaient éligibles à ces différentes mesures d’aménagement des peines comme tous les justiciables béninois. On ignore pour l’instant si les deux opposants ont engagé des actions dans ce sens, mais toujours est-il que Reckya Madougou, reste en prison un an après sa condamnation.

Un groupe de travail de l’Onu a réclamé en vain sa libération

Le groupe de travail sur la détention arbitraire du Conseil des droits de l’homme de l’Onu a même réclamé sa libération immédiate lors de sa 94ème session ordinaire.  Pour ce groupe de travail, la détention de l’ancienne ministre est arbitraire puisqu’elle est « dépourvue de base légale ». La privation de liberté de Mme Madougou est arbitraire en ce qu’elle est contraire aux articles 3, 9, 10, 11, 19, 22 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et aux articles 9, 14,19, 21, 22 et 25 du Pacte International relatif aux droits civils et politique et relève des catégories I, II et III » indiquait-il dans son avis. Rappelons que le Bénin est depuis le jeudi 14 octobre 2021, membre à part entière du Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies pour la période 2022-2024.

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