Révision du PIB au Sénégal : Un levier technique dans un contexte économique fragile

Face à une crise persistante de confiance des marchés et à la dégradation récente de sa note souveraine, le Sénégal a lancé en juillet 2025 une révision de la base de calcul de son produit intérieur brut (PIB). Cette opération technique, annoncée par le ministère des Finances, vise à actualiser l’année de référence afin d’intégrer plus fidèlement les secteurs économiques émergents, notamment le numérique, les services et les industries extractives, jusqu’alors sous-estimés dans les précédentes évaluations.

Ce rebasage s’inscrit dans un contexte budgétaire particulièrement délicat. En 2023, des audits ont révélé l’existence de dettes non déclarées évaluées entre 13 et 14,7 milliards de dollars (plus de 8?300 milliards de FCFA), soit près de 41?% du PIB, entraînant la suspension du programme d’assistance du FMI et un effondrement des obligations sénégalaises sur les marchés financiers. Standard & Poor’s a récemment abaissé la note souveraine du pays à B-, pointant un ratio dette/PIB proche de 118?%, seuil préoccupant qui accentue la défiance des investisseurs.
 
La révision du PIB à la hausse permet mécaniquement de réduire ce ratio clé, améliorant ainsi la perception de solvabilité du pays. Cette stratégie, déjà mise en œuvre dans plusieurs pays africains, a montré ses effets statistiques : le Nigeria avait vu son PIB grimper de 89?% en 2014, et le Ghana de 60?% en 2010. Toutefois, ces ajustements repositionnent avant tout le pays dans les classements internationaux, sans modifier sa réalité économique sous-jacente.
 
Plusieurs économistes mettent en garde contre un effet cosmétique. Si le ratio dette/PIB diminue en apparence, les besoins bruts de financement demeurent inchangés. Ils appellent à ce que cette réforme technique s’accompagne de mesures structurelles profondes?; à savoir une meilleure gouvernance, une transparence budgétaire, et un contrôle renforcé des dépenses publiques.
 
Le Fonds monétaire international (FMI), tout en prenant acte de la révision, souligne que celle-ci ne constitue pas une condition suffisante au rétablissement de son programme. Il attend des éclaircissements sur les dettes cachées et une refonte des mécanismes de gouvernance avant tout nouvel engagement. Malgré un léger rebond des obligations sénégalaises depuis l’annonce du rebasage, leur valeur reste largement inférieure à la moyenne, reflet d’une confiance encore fragile.

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