Dans le tumulte confus qui agite l’actualité politique, certains réclament avec insistance le limogeage du PROS, comme si l’on pouvait effacer d’un revers de main le pilier de la victoire, le veilleur vigilant du destin collectif. Une telle exigence trahit moins une logique politique qu’une volonté de détourner la lumière pour la projeter ailleurs, sur des responsabilités qu’on préfère taire. Ce renversement de la charge confine à une contorsion intellectuelle : on tente d’accuser celui qui fut acteur majeur du triomphe, pour protéger ceux qui se détournent aujourd’hui de la mission qu’ils ont eux-mêmes jurée de porter.
Il serait plus sage, plus loyal, plus respectueux de l’éthique républicaine, de demander des comptes non pas à celui qui assume encore sa part du contrat, mais à ceux qui, aujourd’hui, vacillent sous le poids du tablier qu’ils ont pourtant revendiqué. Ceux-là peinent à reconnaître le chemin qu’ils avaient promis d’emprunter ; ils trouvent la charge trop lourde, l’effort trop rude, l’héritage trop exigeant. Ramer à contre-courant, ralentir la marche, renier la cohésion : voilà l’acte de sabotage véritable, voilà la haute trahison silencieuse qui s’installe dans les couloirs du pouvoir.
Le peuple, souverain des souverains, n’a pas offert sa victoire comme un jeu de hasard. Elle fut conquise au prix du sacrifice ultime, dans les prisons, dans les rues, dans les consciences blessées. Quiconque prétend aujourd’hui détourner cette victoire pour satisfaire un agenda personnel devra répondre devant ce peuple. Et si certains responsables ont perdu la boussole morale, la seule réparation digne serait une démission assumée suivie d’élection anticipée. Alors, dans la clarté des urnes, chacun verrait la mesure exacte de la trahison.
Dans ce contexte, théoriser le limogeage du PROS relève de la farce grotesque, une comédie indigente digne du couloir menant aux toilettes d’une gare routière. Comment expulser un homme de la maison qu’il a lui-même bâti, comme s’il n’en était qu’un locataire de passage ? Le bon sens n’est pas une force physique inné, mais une rigueur intellectuelle, une lucidité morale. Ceux qui en manquent devraient comprendre que leurs avis, en pareille période, ne sont ni utiles ni souhaités.
La rupture véritable, celle qui sépare l’homme sincère du déserteur, se joue dans la cohérence : cohérence des paroles tenues, des engagements scellés, des actes posés au nom du peuple. Sans cette cohérence, le réveil sera brutal, comme dans Le Rénégat de David Diop* ce cri solitaire de l’homme abandonné par ceux qui le flattaient la veille. « Je me sens et si seul ici» : cette phrase résonne aujourd’hui comme un miroir tendu à ceux qui oublient que la fidélité est la colonne vertébrale de toute aventure politique.
La politique n’est pas un théâtre d’ombres où chacun improvise au gré de ses humeurs. Elle est un serment, une route où les promesses sont des repères et non des illusions. Lorsque la parole se fissure, c’est la nation entière qui tremble. L’histoire est pleine d’exemples : ce ne sont jamais les adversaires extérieurs qui provoquent la chute d’un projet, mais les fissures internes, les lézardes invisibles qui courent dans les murs.
Les tensions actuelles ne relèvent pas d’une divergence d’idées, mais d’une pénurie de loyauté. Lorsque l’ego prend la place du devoir, lorsque l’impatience remplace la patience républicaine, lorsqu’on confond pouvoir et propriété, lorsque les ennemis d’hier abordent le masque des amis d’aujourd’hui », l’édifice chancelle. Il devient urgent de rappeler que la victoire n’était pas un héritage familial ni un butin de guerre, mais un mandat sacré confié par un peuple qui espère.
La situation exige un sursaut : un sursaut de probité, de sincérité et de lucidité; une mise au silence des querelles intestines pour retrouver la trajectoire originelle; une réaffirmation de la promesse faite au pays. Car celui qui s’éloigne de cette promesse finit toujours comme le renégat : seul, déchu, trahi par ses propres illusions.
Le peuple observe. Il juge. Et l’Histoire retiendra ceux qui auront protégé la cohérence du projet, comme elle retiendra ceux qui l’auront trahi. Car dans les tempêtes politiques, seuls demeurent debout ceux pour qui la fidélité vaut plus que l’ambition.
INSPECTEUR, HONORABLE BACARY DIEDHIOU
