Incontestablement, le Sommet de Paris a marqué le début d’un nouveau chapitre dans l’évolution de la finance mondiale. Il a souligné la nécessité de changements radicaux pour rendre le système financier plus inclusif, plus à même de relever les défis de l’époque moderne, même si de nombreuses questions restent sans réponse.
Le Sommet de Paris sur le nouveau pacte financier global s’est achevé sur un bilan variable selon la position de chaque partie prenante. Les organisations de la société civile internationale soulèvent un manque d’engagements clairs et chiffrés. Du côté des organisateurs, on salue plusieurs initiatives, comme l’accord trouvé pour la restructuration de la Zambie, l’un des principaux pays producteurs de cuivre en Afrique, même si des détails restent à préciser.
Mais s’il y a une chose que personne ne peut contester, c’est que, pour la première fois dans un cadre de discussions internationales, il est admis que le système financier mondial actuel, mis en place à Bretton Woods, dans l’État du New Hampshire aux États-Unis en 1944 au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, ne peut plus répondre aux besoins actuels et doit être complètement remplacé.
Le besoin d’un changement radical : multipolarité, équité et défis climatiques
En 1970, le système de Bretton Woods avait déjà connu un premier coup majeur lorsque le gouvernement américain avait décidé de mettre fin à la convertibilité du dollar américain en or. Mais ses objectifs et son influence sur la finance mondiale ont continué de survivre à travers le Fonds monétaire international et la Banque mondiale, deux institutions puissantes qui dominent encore la finance mondiale aujourd’hui.
Les besoins d’un changement radical du système financier se justifient à plus d’un titre. La stabilité financière mondiale repose désormais sur des aspects qui n’avaient pas été pris en compte dans le cadre des accords de Bretton Woods, tels que la multipolarité politique et le développement, les diversités d’acteurs, l’accélération de la circulation des informations, les changements climatiques et des inégalités d’une ampleur plus importante qui sont nées d’une mondialisation et de marchés financiers pas assez régulés.
À Paris, une part importante de ces questions a été abordée, avec la présence de nombreux acteurs, notamment des chefs de gouvernement des pays riches et développés, ainsi que des pays en développement, comme les pays africains. On a également assisté à de nombreuses réflexions produites par des institutions influentes, y compris celles implantées dans des pays en développement. De grandes avancées sont notables.
Avancées et incertitudes lors du sommet de Paris : réformes, contributions africaines et défis internationaux
Des institutions telles que la Banque mondiale et le FMI reconnaissent qu’elles doivent adapter leurs interventions et leur mode de fonctionnement à de nouveaux terrains incertains. Un rôle plus important est accordé aux banques de financement du développement à caractère régional, et une écoute plus attentive est accordée à la société civile internationale.
Parmi les prochaines grandes étapes de cette nouvelle page du système financier international, que Paris et le président français du moment, Emmanuel Macron, pourront revendiquer d’avoir ouverte, il y a le Sommet du G20 qui se tiendra début septembre 2023 en Inde. Des questions sur le rôle des banques multilatérales de développement seront abordées et les premières propositions concrètes sur le nouvel ordre financier mondial réclamé seront présentées. Suivant les réponses qui seront apportées, Paris aura réussi à lancer la réforme de la finance internationale tant attendue. Cela représenterait tout un symbole, car c’est en Inde que, peut-être, le nouvel ordre financier international verra définitivement le jour.
La contribution africaine ne transparaît pas clairement dans la feuille de route proposée. Certes, une place de choix est accordée à la Banque africaine de développement, mais de nombreuses réflexions menées dans le cadre de la Commission des Nations Unies pour l’Afrique, ou même de l’Union africaine, ne sont pas clairement visibles dans les prochaines étapes de la feuille de route du Sommet de Paris. De nombreuses inconnues persistent également. Bien que l’administration Biden ait été fortement représentée au Forum de Paris, avec des personnalités internationales influentes telles que John Kerry (envoyé spécial du président Biden) ou Janet Yellen, ministre des Finances (secrétaire au Trésor), ce pays a démontré qu’il navigue toujours dans le sens de ses intérêts, et la position des États-Unis sur la scène internationale peut varier considérablement d’un président à l’autre.
L’autre équation inconnue de ce nouveau processus est la position de la Chine. Ce pays est devenu le premier fournisseur mondial et l’un des plus développés, et ses dirigeants n’ont pas l’intention de jouer les seconds rôles. Les puissances économiques historiques accepteront-elles un nouvel ordre mondial où la Chine prendra toute sa place ?
Le rôle des pays en développement et les défis des flux financiers illicites : vers un cadre fiscal international inclusif
Le pays de Xi Jinping, avec la Russie, le Brésil, l’Afrique du Sud, l’Inde et la Russie (BRICS), continue de construire un système financier mondialisé, mais parallèle. On ignore encore si ce groupe acceptera de se joindre collectivement à la nouvelle réflexion qui est en train de se mettre en place actuellement. De même, d’importantes questions telles que le financement climatique pèseront sur le processus. 27 ans après le première COP, un consensus reste difficile à trouver sur la manière de gérer ce problème, en tenant compte des besoins futurs des pays en développement et de la responsabilité historique des pollueurs passés et présents.
Enfin, le nouvel ordre financier mondial semble entériner le rôle des pays moins riches comme bénéficiaires d’aides. Cependant, ces pays continuent d’être victimes de flux financiers illicites motivés par des considérations fiscales, commerciales ou par manque d’intégrité (corruption et autres délits d’initiés) dans les secteurs public et privé. Selon la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement, ce fléau prive les pays d’Afrique subsaharienne de 89 milliards de dollars par an.
Enfin, une réforme sans précédent est actuellement en cours au sein des Nations Unies, avec de plus en plus de personnalités qui soutiennent la volonté africaine de mettre en place un cadre fiscal international inclusif, et pas seulement celui élaboré dans le cadre de l’OCDE.