Pool judiciaire financier : le rapport de la Centif révèle un carnage financier de plusieurs milliards à Choice Forex Limited

Un rapport de la CENTIF a dévoilé un système de blanchiment de capitaux impliquant la société Choice Forex Limited, des bureaux de change, des sociétés partenaires et des plateformes de transfert d’argent. Le parquet financier a ouvert une information judiciaire pour « association de malfaiteurs et blanchiment, entre autres infractions graves. »

Le document transmis au parquet financier par la Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF) fait état d’un ensemble d’opérations financières jugées « atypiques » et « potentiellement criminelles », révélant des indices graves et concordants de blanchiment de capitaux. Les infractions évoquées vont de « l’usage de faux à l’usurpation de qualité, en passant par l’escroquerie, la violation des règles fiscales et des dispositions régissant les relations financières extérieures dans l’espace UEMOA. »
 
Selon les conclusions de la CENTIF, la société Choice Forex Limited se trouve au centre de ce dispositif. À la suite de ce rapport, le parquet a demandé l’ouverture d’une information judiciaire visant notamment les délits « de blanchiment de capitaux, d’association de malfaiteurs et de violation des règlements communautaires. »
 
À en croire Libération, Choice Forex Limited, enregistrée au Royaume-Uni avec un capital déclaré de 100 000 livres sterling (soit environ 75,2 millions de FCFA), dispose d’un bureau de représentation au Sénégal. La société, qui se présente comme spécialisée dans divers secteurs (finance, immobilier, BTP, consulting, change, transfert d’argent, etc.), n’a pourtant pas l’agrément requis pour exercer certaines de ces activités au Sénégal, notamment les opérations de crédit et de change manuel.
 
Le compte bancaire de la société, ouvert le 8 avril 2021 dans une banque de la place, présente un mouvement financier d’une ampleur inhabituelle. Entre mai 2021 et mars 2024, ce compte a enregistré un flux créditeur cumulé de 81,99 milliards de FCFA, avec des encaissements sous forme de virements, d’achats de devises et de dépôts en espèces atteignant parfois 1,6 milliard de FCFA en une seule opération.
 
Des flux non justifiés
 
Le rapport de la Centif précise que 96 % des sommes créditées sur le compte ont été immédiatement décaissées sous forme de virements et de transferts vers d’autres structures, dont certaines à l’étranger. Le total des flux débiteurs s’élève à 78,73 milliards de FCFA. Les principaux bénéficiaires de ces fonds sont des entités telles que Worldremit Ltd, H2 Global Sarl, Hubpay, Fall Distribution, entre autres. Fait notable : Choice Forex Limited n’a pas fourni de documents justificatifs pour l’ensemble de ces transactions, un manquement grave aux règles de conformité. De plus, elle a accordé des crédits à des partenaires commerciaux, une activité qui relève du monopole des établissements financiers agréés par la BCEAO, ce qui constitue une infraction caractérisée.
 
Autre point d’alerte soulevé par la CENTIF est que « Choice Forex Limited exerce illégalement des activités de change manuel pour le compte de sociétés étrangères, sans agrément délivré par la Direction de la Monnaie et du Crédit. » Un manquement considéré comme une violation directe du règlement sur les relations financières extérieures des États membres de l’UEMOA. L’entreprise agit donc en dehors de tout cadre réglementaire, facilitant le transfert de fonds issus d’activités non fiscalisées et, potentiellement, de sources illicites. L’analyse du fonctionnement de son compte démontre une structure organisée d’entrées et de sorties de capitaux dont l’origine reste, pour une large part, non documentée.
 
Le rôle ambigu de Worldremit Ltd
 
Le rapport de la CENTIF met également en cause la société Worldremit Ltd, une plateforme mondiale de transfert d’argent. Son compte logé à la United Bank for Africa (UBA) au Sénégal a enregistré en 2023 un volume de transactions avoisinant les 711 milliards de FCFA, dont 709,9 milliards de FCFA provenant de sociétés comme BTC Africa, Bipesa Sénégal et surtout Choice Forex Limited. Malgré l’ampleur des mouvements financiers, Worldremit Ltd ne s’est pas conformée aux obligations de vigilance prévues par la loi n°2024-08 relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Elle n’a ni transmis les justificatifs de ces opérations, ni appliqué les mesures de connaissance du client (KYC) et de diligence renforcée (CDD).
 
D’après la CENTIF, « cette passivité volontaire ou non a permis à Choice Forex Limited de poursuivre ses activités illégales sur la plateforme. De ce fait, Worldremit Ltd pourrait être considérée comme complice de blanchiment de capitaux au regard de la loi en vigueur. »
 
Au-delà de Choice Forex Limited et de Worldremit Ltd, plusieurs sociétés partenaires, bureaux de change et institutions financières sont concernés par les opérations suspectes recensées. L’affaire révèle l’existence d’un circuit organisé de transferts de fonds à l’échelle internationale, s’appuyant sur des mécanismes opaques et des complicités passives. Les conclusions de la CENTIF devraient servir de base à une enquête approfondie pour démanteler ce réseau financier parallèle, et renforcer les dispositifs de lutte contre le blanchiment au Sénégal et dans la sous-région, souligne le journal. 

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