Procès d’Éric Dupond-Moretti : ce que la Cour de justice de la République reproche au garde des Sceaux

Le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti est jugé pour prise illégale d’intérêts du 6 au 17 novembre. On vous explique pourquoi.

JUSTICE – C’est un événement judiciaire inédit. Depuis le début de la Ve République, c’est la première fois que s’ouvre le procès d’un ministre en exercice. Le garde des Sceaux Éric Dupond-Moretti est jugé à partir de ce lundi par la Cour de justice de la République, la seule instance habilitée à juger des membres du gouvernement.

Pour comprendre cette affaire, il faut remonter au mois de juillet 2020, date à laquelle Éric Dupond-Moretti est nommé ministre de la Justice en juillet 2020, sous le gouvernement de Jean Castex.

Une nomination qui fait polémique dans le monde judiciaire, dans lequel cet avocat star n’a pas que des amis. L’homme est détesté des magistrats qui dénoncent même une « déclaration de guerre » à leur encontre à l’annonce de son arrivée place Vendôme. En effet, un mois avant son entrée au gouvernement, Éric Dupond-Moretti accusait les magistrats du Parquet national financier d’utiliser des « méthodes de barbouzes ». Des accusations fortes et importantes pour comprendre le procès qui s’ouvre.
 
Un ministre accusé de vouloir se venger

Si Eric Dupond Moretti s’en prend au PNF ce 25 juin 2020, c’est parce que, la veille, un article du magazine Le Point révèle que les relevés téléphoniques du célèbre avocat ont été épluchés par les enquêteurs dans le cadre de l’affaire Bismuth.

Pour rappel, cette affaire, c’est celle de Nicolas Sarkozy. En 2014, l’ancien président est accusé d’avoir tenté, via son avocat Thierry Herzog, de corrompre un magistrat pour obtenir des renseignements notamment sur l’affaire Bettencourt.

Mais le PNF rapidement l’impression que Nicolas Sarkozy a été mis au courant qu’il est sur écoute, les enquêteurs se mettent donc à la recherche de  » la taupe « , et épluchent les relevés téléphoniques, aussi appelés fadettes, de plusieurs avocats pénalistes, dont Éric Dupond-Moretti.

La ministre de l’époque Nicole Belloubet demande l’ouverture d’une inspection sur le fonctionnement du PNF. De son côté, Éric Dupond-Moretti porte plainte pour atteinte à la vie privée, avant de se rétracter quelques jours après sa nomination place Vendôme.

Mais le ministre n’oublie pas. D’autant que c’est sous son mandat que sont délivrés les résultats de l’inspection lancée par sa prédécesseure, une inspection qui conclut à la légalité de l’enquête menée par le PNF.

Le 18 septembre 2020, le ministre Éric Dupond-Moretti ouvre tout de même une enquête administrative contre les trois magistrats à l’origine de l’affaire des fadettes. Cette décision a l’effet d’un tremblement de terre dans le monde de la magistrature et plusieurs plaintes sont adressées en 2020 à la Cour de Justice de la République pour prise illégale d’intérêts, notamment par l’association Anticor et les trois principaux syndicats de magistrats.
 
Une deuxième affaire au même procès

Un deuxième dossier amène le ministre devant les juges lors de ce même procès, puisqu’il est soupçonné d’avoir aussi usé de sa fonction pour régler ses comptes avec Édouard Levrault, un ancien juge d’instruction détaché à Monaco qu’il connaît puisqu’il avait mis en examen un de ses ex-clients quand il était avocat, et qu’il avait d’ailleurs traité de « cow-boy » quelques semaines avant sa nomination au ministère.

Or, trois semaines après sa prise de fonction, Éric Dupond-Moretti demande l’ouverture d’une pré-enquête disciplinaire à son encontre pour avoir failli à son devoir de réserve lors d’un reportage télévisé. Toujours soutenu par l’exécutif et notamment par la Première ministre qui lui assure sa confiance, Eric Dupond Moretti dément tout conflit d’intérêts et assure avoir ouvert ces enquêtes « sur les recommandations de son administration » . L’issue de ce procès sera en tout cas décisive pour l’avenir politique du ministre.

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