Tensions entre l’Inde et le Canada, les deux pays expulsent des diplomates

Après les accusations du Canada, la réaction de l’Inde a été rapide, pointe notre correspondant à New Delhi, Sébastien Farcis. Elle rejette les accusations du Canada, considérées comme « absurdes et motivées », et soutient respecter les principes « démocratiques ». « Nous sommes un Etat démocratique avec un engagement fort en faveur de l’Etat de droit », déclare dans un communiqué le ministère indien des Affaires étrangères.
 
New Delhi réfute donc avoir ordonné l’assassinat de Hardeep Singh Nijjar, un militant indépendantiste sikh, citoyen canadien considéré comme un séparatiste extrémiste et recherché par les autorités indiennes. Hardeep Singh Nijjar était à la tête de la branche canadienne de Sikh for justice, un groupe qui a mené plusieurs référendums pour demander la création d’un Etat sikh au Pendjab indien. Un Etat qui s’appellerait Khalistan.
 
Les accusations canadiennes
Après avoir convoqué l’opposition, le Premier ministre Justin Trudeau déclarait cependant hier qu’il existait des « éléments crédibles selon lesquels il existerait un lien possible entre les agents du gouvernement de l’Inde et le meurtre de Hardeep Singh Nijjar (un leader sikh), citoyen canadien » en juin dernier. Suffisamment crédibles en tout cas pour que le Canada expulse un haut diplomate indien.
 
« L’implication de tout gouvernement étranger dans le meurtre d’un citoyen canadien sur le sol canadien constitue une violation inacceptable de notre souveraineté », a poursuivi Trudeau. Quelques minutes plus tard, Mélanie Joly, sa ministre des Affaires étrangères, annonçait l’expulsion du chef de l’agence de renseignement indienne au Canada (RAW). « Les allégations selon lesquelles un représentant d’un gouvernement étranger aurait pu être impliqué dans le meurtre d’un citoyen canadien ici, au Canada, sur le sol canadien, sont non seulement préoccupantes, mais elles sont totalement inacceptables », a déclaré Mélanie Joly.
 
Un militant recherché par les autorités indiennes
Hardeep Singh Nijjar était recherché par les autorités indiennes pour des faits présumés de terrorisme et de conspiration en vue de commettre un meurtre. New Delhi l’accusait de mener un trafic d’armes et d’explosifs en Inde, et avait demandé au Canada de l’extrader pour répondre de ses actes, mais sans obtenir de réponse. Des accusations que l’accusé, selon l’Organisation mondiale des Sikhs du Canada, une organisation à but non lucratif qui affirme défendre les intérêts des sikhs canadiens.
 
Pour Manoj Joshi, chercheur et membre émérite du Observer Research Foundation, interrogé par Sébastien Farcis, la non réponse canadienne a pu décider les services indiens à assassiner ce militant. « C’est tout à fait possible que l’Inde l’ait fait. C’est la première fois que le pays est accusé de tels faits, mais ile gouvernement aurait commandité cet assassinat par crainte des risques sécuritaires de la croissance de ces groupes extrémistes, qui ont pu opérer librement dans le passé. Et ils voulaient leur envoyer le message que maintenant, nous allons vous chasser. » Deux autres militants indépendantistes sikhs sont morts dans des conditions suspectes entre mai et juin dernier, au Pakistan et en Angleterre.
 
Depuis ce dernier meurtre et les manifestations qui l’ont suivi au Canada, la tension est montée entre Ottawa et New Delhi. Le gouvernement indien accuse celui de Justin Trudeau de fermer les yeux sur les activités de nationalistes sikhs radicaux qui prônent la création d’un État sikh indépendant dans le nord de l’Inde.
 
Ottawa a suspendu récemment les négociations en vue d’un accord de libre-échange avec l’Inde et la ministre du Commerce a annulé la semaine dernière un déplacement prévu dans le pays en octobre. Le gouvernement canadien a exhorté lundi le gouvernement indien à « coopérer pour éclaircir cette affaire », précisant que Justin Trudeau avait évoqué ce sujet avec le Premier ministre indien Narendra Modi lors du sommet du G20, quelques jours avant.
 
Narendra Modi inquiet des « activités anti-indiennes au Canada »
L’Inde s’est souvent plaint de l’activité de la diaspora sikhe à l’étranger, notamment au Canada, susceptible selon New Delhi de relancer le mouvement séparatiste grâce à une aide financière massive. Le Premier ministre indien, Narendra Modi, a exprimé début septembre ses « vives inquiétudes quant à la poursuite des activités anti-indiennes des éléments extrémistes au Canada » lors de sa rencontre avec Justin Trudeau, à l’occasion du dernier rassemblement du G20 en Inde. Justin Trudeau avait ensuite déclaré à la presse qu’il défendrait toujours « la liberté d’expression, la liberté de conscience et la liberté de manifester pacifiquement », tout en agissant contre la haine.
 
L’État indien du Pendjab, qui compte environ 58% de Sikhs et 39% d’Hindous, a été secoué par un violent mouvement séparatiste dans les années 1980 et au début des années 1990, au cours duquel des milliers de personnes ont trouvé la mort comme dans l’explosion d’un avion de ligne qui avait tué plus de 300 personnes.   Aujourd’hui, les partisans les plus virulents du mouvement sont principalement issus de la diaspora penjabie. Le Canada est le pays qui compte le plus grand nombre de sikhs en dehors de leur État d’origine, le Pendjab, en Inde.

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