Angèle Diabang : ’’Au cinéma, les femmes sont confinées à certains postes’’

La réalisatrice et productrice sénégalaise Angèle Diabang déplore la place réservée aux femmes dans le cinéma, souvent confinés à des postes liés directement à leur genre au détriment de positions ‘’stratégiques ou de qualité’’, a-t-elle dit dans un entretien accordé à l’APS.

‘’ (…) la majeure partie des autres femmes sont dans des postes de maquillage, de coiffure et de secrétaire. C’est cela le cinéma, on catégorise les femmes dans certains postes (…)’’, à défaut de les réduire à des positions de stagiaires, a-t-elle fait remarquer.

Se souvenant d’une anecdote vécue sur le plateau de ‘’Twist à Bamako’’, du réalisateur Robert Guédiguian, tourné à Thiès, Saint-Louis et Podor en 2020, la réalisatrice confie avoir été prise pour la copine de quelqu’un du plateau, et non pour une des membres de l’équipe de tournage.

‘’Une fois, on a été à Saint-Louis et j’étais la seule femme de l’équipe. Un monsieur est venu et a dit bonjour aux hommes. Peut-être qu’il me considérait comme une copine de l’un d’eux. Et Robert (le réalisateur français) lui a dit, +monsieur dite bonjour à ma productrice+’’, raconte-t-elle.

Selon Angèle Diabang, ce dernier était hyper gêné. ‘’Parce qu’il ne pouvait pas s’imaginer une femme au milieu des hommes plus âgés que moi et que je puisse avoir un poste aussi stratégique, un poste de qualité parmi eux qui mériteraient plus’’, explique-t-elle.

‘’Je ne pouvais être que la copine dans cette présence là et cela montrait la place qu’il comptait me donner dans cette équipe’’, renchérit-elle.

La directrice de la maison de production ‘’Karoninka’’, créée en 2006, estime que c’est là un préjugé répandu à propos de la place dévolue aux femmes dans le Sénégal.

‘’Quand on est en face d’hommes qui ont besoin souvent de montrer qu’ils sont les plus forts, laissons-les être les plus forts. Pendant ce temps, on avance à petits pas, mais on avance de façon très sûre’’, déclare la réalisatrice du film ‘’Yandé Codou, la griotte de Senghor’’, réalisé en 2008.

Elle estime qu’il faut beaucoup de ‘’force de caractère et de calme’’ pour gérer beaucoup de situations sur les plateaux de tournage.

Angèle Diabang, qui a, à son actif, une quinzaine d’années d’expériences dans la production, a été la productrice exécutive et coproductrice du film ‘’Twist à Bamako’’, du Français Robert Guédiguian.

Elle invite, toutefois, à renforcer certains corps de métier technique dans le cinéma sénégalais pour faire face aux grands projets cinématographiques tournés au Sénégal.

‘’Il y a des postes au cinéma où dès qu’il y a un ou deux tournages en même temps, on a plus de technicien. C’est le cas par exemple en matière de scripte. Il faut renforcer ce poste. Un pays ne peut pas tourner avec deux ou trois scriptes. Ce n’est pas possible’’, insiste la réalisatrice en racontant son expérience de productrice exécutive dans ce film de Robert Guédiguan.

Elle estime qu’il en est de même pour le poste d’électro machiniste pour lequel il faut, dit-elle, ‘’former une relève’’.

‘’Il y a quelques postes comme cela. Dès qu’il y a un ou deux tournages, on galère un peu pour trouver quelqu’un. On peut trouver des techniciens, mais la question est de trouver de bons techniciens. Et quand on parle de techniciens de qualité, dans certains postes, il y a un problème de renouvellement’’, insiste-elle.

Angèle Diabang, qui a toujours rêvé au début de son entrée au cinéma être seule dans une chambre noire en train de monter des films, se retrouve aujourd’hui réalisatrice, productrice et enseignante en cinéma.

Elle a une riche filmographie constituée d’une douzaine de films documentaires et fictions à son actif tels que ‘’Congo, un médecin pour sauver les femmes’’ (2014) ou encore ‘’Un air de kora’’ (2019).

Elle a remporté avec ce dernier court métrage le prix spécial de la meilleure réalisatrice de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et le Poulain de bronze du meilleur court métrage du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), la même année.

En plus des films qu’elle a réalisés et produits, elle a produit une douzaine de films documentaires et fictions diffusés à travers le monde. On peut citer la mini-série de quatre épisodes de 52 minutes ‘’Black and white’’, tournée à Gorée en 2020 et réalisée par Moussa Sène Absa, ‘’Rumeur du lac’’, du Congolais Wendy Bashi, ‘’Rencontrer mon père’’, du Sénégalais Alassane Diago et récemment ‘’Twist à Bamako’’, du Français Robert Guédiguian.

Née à Dakar, Angèle Diabang a été formée au Média Centre de Dakar, à la FEMIS à Paris, à la ‘’Filmakademie’’ en Allemagne et au programme de formation de production ‘’Eurodoc’’.

Angèle a été en 2014 la première présidente du Conseil d’administration de la société de gestion collective des droits d’auteurs et droits voisins (SODAV) du Sénégal.

Elle a été aussi décorée ‘’chevalier dans l’ordre des Arts et des Lettres’’ par la France, en 2019.

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