VELINGARA-Elégie d’un éprouvé de l’accident de Sikilo

L’accident de Vélingara, survenu la nuit du 8 janvier à Sikilo dans la région de Kaffrine ayant fait 42 morts et une centaine de blessés, fait couler beaucoup d’encre et de larmes. Marcel Monteil, un des éprouvés de cette tragédie de l’année 2023 n’a pas encore séché ses larmes. Voici son poème élégiaque
 
Vélingara éplorée, le Sénégal en deuil,
Aux aurores de ce vendredi, jour béni d’Allah, jour de clémence et de miséricorde, saint jour de la grande assemblée des fidèles, jour d’espérance, jour du Jummah,
Vêtu d’un simple et innocent angélique boubou blanc immaculé,
Alors que nos larmes coulant sur nos joues ne sont pas encore sèches, alors que nous n’avons pas encore achevé de confier le repos de vos âmes au Tout Miséricordieux, alors que nous continuons à psalmodier la litanie de vos bonnes œuvres sur terre,
Alors que les familles éplorées sont inconsolables, que nous soutenons ceux qui sont sortis handicapés à jamais de cette rude épreuve, que les blessés soignent encore leurs plaies, que nous les réconfortent en leur souhaitant prompt rétablissement, que les rescapés essayent de surmonter leur traumatisme,
Que l’égoïste vie reprend sa routine avec son chapelet d’activités quotidiennes et profanes,
J’avancerai vers vos nécropoles, animé d’une vive endurance et d’un souffle d’espoir, les bras sur la poitrine tel un humble compagnon de Job, le très éprouvé prophète de Dieu.
 
Awa Loum la grande battante, l’amie de son mari, Moussa Soumbounou le charmant révolutionnaire du Fouladou, Allassane Kandé l’ex futur grand monsieur, papa Adama Kandé le bon père de famille, les radieux Mame Mor et Moussa Séye, Abdou Lahat Lô le discret travailleur, et toi la victime de l’autre famille, toi la victime anonyme que j’aurai l’ultime privilège de connaître au jour du grand rassemblement final,
Accroupi, les mains à quinze centimètres des yeux, je laisserai mes cils se pencher sur ces dépouilles ayant abritées sur terre vos douces âmes. Loué soit Allah soubhana wa ta’ala, lui qui a créé la mort avant la vie !
Je m’inclinerai et j’inscrirai sur vos modestes sépultures : Inna lillah wa inna ilayhi raaji’uun, c’est à Dieu que nous appartenons et c’est à Lui que nous retournons.
 
Je laisserai mon vacillant et fragile cœur d’humain verser de chaudes larmes, je le laisserai s’exprimer, se libérer, se confier, mais de ma bouche ne sortira point de complainte.
Je vous gratifierai de la Al-Fatiha et j’invoquerai le Saint Nom d’Allah SWT pour le pardon des morts et des vivants. Puisse le Bon et Miséricordieux vous accueillir dans la plus vaste des places paradisiaques de Firdawsi.
Avant de m’en aller de la dernière demeure de vos corps terrestres, je lèverai la tête vers le ciel et avec des yeux larmoyants, je vous demanderai pardon, pardon pour les 42 martyrs de Sikilo. De même transmettez mes absolutions aux 22 victimes de Sakal qui ont pris le même chemin que vous la semaine d’après. Le serpent asphalté s’est encore abreuvé de la sève chaude d’individus qui dans leurs rêves façonnaient et tissaient mille projets qui ne verront jamais le jour.
 
Pardon aux milliers de victimes des routes de notre pays que vous trouverez au royaume du grand repos. Sans oublier les accidentés du 27 janvier 2017 de Malem Hodar, les 28 morts de septembre 2022. A eux pourtant le garant de la sécurité routière avait promis plus jamais ça à l’issue d’un conseil interministériel.
Messieurs les ministres, ne prospérez pas dans des réactions épidermiques sans lendemain. Ne donnez pas raison à l’autre qui clame que l’océan de l’habitude noiera la graine de changement.
 
Pardon parce que les routes étroites et de vétustes et travestis véhicules conduits inconsciemment avec témérité n’ont pas fini et n’arrêteront pas d’envoyer précocement de pauvres innocents vers leur demeure éternelle.
Pardon pour ceux qui seront encore sacrifiés devant la responsabilité des citoyens, devant le regard amorphe de l’élu dont les prises de positions et les décisions ne résolvent pas encore les maux du peuple.
 
Gouvernants, jusqu’où ira ce laxisme meurtrier, il vous incombe d’assurer la sécurité des voyageurs.
Que dire d’un dirigeant qui ne fait pas prévaloir avec rigueur l’autorité que lui confère toute une nation ? D’un responsable qui recule devant la pression sociale, devant les lobbys de transporteurs parfois ignorants et uniquement préoccupés par le gain ?
 
Soyez sans compassion pour le contrôleur corrompu et sans honneur qui, pour un maudit billet de banque, ferme volontairement les yeux sur une infraction et laisse ainsi passer un contrevenant fossoyeur d’innocents.
C’est maintenant ou jamais, pas de décisions épidermiques aux allures populistes ni de comportements frileux même au risque de perdre des voix aux futures élections. Face à des populations allergiques à la discipline, aux changements positifs, il ne reste que la fermeté.
 
Notre pays ne peut supporter chaque année plus de quatre mille accidents de la circulation chiffrés à coût de milliards et occasionnant des centaines de morts.
 
Pourquoi tolérer des taxis-motos Jakarta dans la belle capitale ouest africaine ? Les taxis-clandos, les « ware gaindé » ? Sans oublier les piétons et les marchands à la sauvette sur l’autoroute, les arrêts tolérés des transports sur la grande piste, les vendeurs sur les passerelles.
 
Différer la correction du citoyen laxiste c’est le condamner à vivre l’anarchie en attendant les grands dégâts.
Que les mesures salvatrices des pauvres voyageurs annoncées soient appliquées en toute rigueur.
Gardien de notre sécurité, que bénédictions et bienfaits demeurent en vous, il urge de prolonger les autoroutes, d’étendre au niveau national le réseau Sénégal Dem-Dikk, d’appuyer de sérieux entrepreneurs qui veulent investir dans le transport moderne, enfin de rétablir le réseau ferroviaire.
 
Prions ardemment pour qu’il n’y ait plus jamais de Sikilo, de Sakal 2023 mais aussi œuvrons sérieusement et sincèrement pour la fin du désordre, aidons l’autorité à nous sécuriser. Sans cela attendons-nous à être les prochaines victimes ou prochaines personnes éplorées.
 
Très chères mamans, sœurs, tantes, grand-mères et amies, Très chers pères, frères, oncles, grands-pères et amis, vous étiez parmi nous partageant nos joies et nos peines, un jour nous serons parmi vous pour ne partager que de la joie.
 
Aux portes de la vallée des intarissables délices priez pour nous comme nous prions pour vous.
Frères et sœurs reposez éternellement en paix au Royaume de la Paix et de la Vérité.

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